Guy Hamonic, proviseur militant Ancien communiste, il a choisi de diriger un lycee professionnel de Seine-Saint-Denis plutot qu’un etablissement tranquille.
Par conviction 1949 Naissance a Strasbourg.
1970 « Instituteur suppleant » a Nanterre. 1988 Chef d’etablissement. 2002 Proviseur du lycee Aristide-Briand au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Par Luc Bronner
Temps de Lecture 5 min.
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Dans le langage frequent, on appelle ce type d’etablissement un “lycee poubelle”. Des batiments grisatres, tristes au possible, au coeur en Seine-Saint-Denis. Plusieurs eleves, presque tous “issus de l’immigration” , affectes ici parce que personne ne voulait d’eux ailleurs. Plusieurs formations de maintenance industrielle ou de chaudronnerie qui font fuir les jeunes. Plusieurs resultats a toutes les examens tres faibles. Un absenteisme demesure. On est au lycee Aristide-Briand au Blanc-Mesnil.
Guy Hamonic, la barbe blanche qui sied a 1 proviseur, dirige donc un “lycee poubelle”. Lui n’emploie gui?re le terme, mais les chiffres qu’il egrene dressent un tableau sombre de ce que celui-ci prefere appeler un “lieu de relegation scolaire” . Il a choisi une telle tache avec sens du devoir, par conviction. Guy Hamonic est un militant du service public, une vigie anonyme d’une Republique dans cette banlieue qui effraie.
Cela aurait pu empi?cher ce poste : apres plusieurs annees dans la region parisienne, il avait obtenu une mutation dans un lycee tranquille de Bretagne pour attendre la retraite. Il recommence reste trois annees mais semble s’i?tre ennuye : il lui manquait son “public” , ces eleves une marge, ces jeunes dont personne ne veut. “C’est mon univers, c’est ici que se construisent les mentalites de demain.”
Le parcours professionnel a toujours ete tourne vers les laisses-pour-compte de l’ecole.
Son histoire raconte celle de l’ensemble des dispositifs inventes pour prendre en charge des eleves en difficulte : instituteur en “classe de transition” , professeur en “classe pratique” , puis dans les “CPPN” (classes preprofessionnelles de niveau) et proviseur de lycee professionnel.
Le histoire est aussi celle maints militants communistes qui faisaient tenir la “banlieue rouge” autour de Paris. Cela a longtemps ete encarte au PCF et a la FEN (Federation de l’education nationale) : “La realisation personnelle ne passait pas seulement par la pratique tout d’un metier mais aussi par la mise en oeuvre tout d’un projet politique plus large.” Cela en a garde Notre croyance que l’ecole pouvait servir d’ascenseur social meme si le quotidien de son lycee montre la vacuite de une telle promesse.
Le arrivee, depuis trois ans, n’a nullement ete simple. Dans son bureau, il montre des photos du foyer des eleves prises peu apres son installation. Un eleve a ecrit : “Hamonic, tu craqueras” , “Hamonic, t’es mort” , “Putain de ta mere” . “J’avais impose un controle strict a l’entree du lycee en demandant aux eleves de montrer leur agenda. C’est un reponse : tous a marque son territoire.” Ces episodes restent assez rares. “cela est Complique, c’est l’accumulation des petits actes ordinaires. Nos eleves seront champions pour faire peter votre cable a toutes les adultes.”
Le fonctionnement du proviseur provoque des tensions avec ses troupes, principalement les 70 enseignants. “Il peut etre autoritaire. C’est quelqu’un de tres exigeant, un empecheur de tourner en radis” , glisse le adjointe, Anne-Marie Borrelys. “J’ai le souvenir tout d’un conseil de classe ou il a envoye balader votre prof devant nos eleves. J’avais jamais vu ca” , raconte un autre de ses collaborateurs. Plusieurs anciens du lycee grincent “c’est un dur” mais preferent ne point en parler “pour ne pas dire que du mal” . Les professeurs ont boycotte une reunion de travail parce qu’il les avait convoques a des heures jugees indues. “Il delegue peu et il ne consulte pas beaucoup” , ajoute le collaborateur qui souhaite rester anonyme. Sa fille, Samia, 27 annees, confirme : “C’est un dominant qui donne des ordres mais qui est juste.”
Notre proviseur assume ce haut niveau d’exigences. Pour le boulot, Il semble pret a mettre entre parentheses sa life privee. Cela devoile travailler cinquante a soixante heures par semaine et ne pas reussir vraiment a abandonner ses dossiers. Notre voudrait-il que ses contraintes professionnelles le rattraperaient : tel l’ensemble des chefs d’etablissement, Cela reste oblige via “necessite absolue de service” d’habiter le logement de fonction foutu a disposition au lycee. Ce qui est un avantage certain dans un centre-ville, principalement pour les grands et beaux lycees generaux, ressemble a une punition en banlieue, sauf a aimer vivre au milieu des cites, sans commerces ni activites a proximite. “On n’est jamais dans la vraie vie. On quitte notre bureau Afin de rejoindre un batiment a cote. On peut ne jamais sortir du lycee et rester dans notre microcosme.”
Comme proviseur, avec dix-sept annees d’anciennete au poste, il gagne 3 700 euros net par mois. Une remuneration que celui-ci estime bien juste correcte. Mais la difficulte, au quotidien, vient surtout du sentiment de devenir toujours deborde. “C’est passionnant, mais on passe d’une urgence a une autre. On reste satures de travail administratif et, alors, on marche moins de moment sur cela serait important.”
A Aristide-Briand, vous devez se battre dans tous les fronts. Convaincre les eleves de s’y inscrire : a chaque rentree, en septembre, il manque des dizaines d’eleves, qui tentent avec la totalite des moyens de degoter une place ailleurs. Les convaincre, ensuite, d’y rester : une part d’entre eux quittent le navire en file d’annee ou deviennent des absenteistes chroniques. L’annee derniere, Afin de 500 eleves, ils font eu 25 000 absences signalees, bon nombre non justifiees ou avec des motifs fallacieux.
De le poste avance, il s’interroge sur les leviers pour changer l’ecole. Des moyens supplementaires ? Peut-etre, mais il dit ne point en manquer. Plusieurs pratiques pedagogiques plusieurs ? Oui, mais il doute du desir des enseignants, au college notamment, de se consacrer aux eleves en difficulte plutot qu’aux petits eleves.
Guy Hamonic se desole de constater que le taux de reussite aux examens atteigne tout juste 50 % dans son lycee. “Nos jeunes defrichent un terrain. Ils viennent a l’ecole sans etre portes avec leurs parents.” Concernant le proviseur, ces eleves sont des grands blesses de l’ecole, des victimes de l’egalitarisme aussi : “En voulant apporter la meme chose a tout un chacun, on prive ceux qui auraient besoin d’en avoir plus.” Ca resonne tel une certitude Afin de Guy Hamonic : l’avenir de l’ecole se a beaucoup, la, au fond des cites, dans la durete des “lycees poubelles”.
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